Des cités choient et d’autres s’élèvent

Le soleil se levait à peine sur les ruines embrumées de la ville lorsque Ro’shy, debout face à l’entrée éventrée du vieux gymnase, contempla le fruit de ses efforts. Malgré les pertes récentes, les trahisons, les sacrifices, la foi tenait bon. Et elle portait un nom, désormais : le temple de la Graine Éternelle.

À l’intérieur, les murs noircis par les fumées d’anciennes batailles avaient été nettoyés, décorés d’inscriptions spirales évoquant la croissance, la mémoire et la renaissance. Le béton du sol avait été brisé à coups de pioche, remplacé par une terre brune et grasse, féconde. Là, au milieu de ce monde qui pourrissait lentement, un champ avait éclos. Vingt mètres carrés de jeunes pousses vertes qui vibraient presque sous la lumière blafarde filtrée par les vitres cassées.

Les fidèles, mains calleuses et regards pleins d’espoir, travaillaient aux côtés de Ro’shy. Chaque tige naissante semblait leur rendre une part de ce qu’ils avaient perdu.

Mais Ro’shy, lui, regardait plus loin. Plus haut.

Assis en méditation dans un cercle de pierres, il tendit son esprit, franchit les couches invisibles du monde… et, enfin, parvint à joindre Voln. Le contact fut bref mais puissant, un souffle ancien chargé d’énergie divine. Voln lui ouvrit un passage à travers l’entropie.

La traversée fut une agonie muette. Les tissus de la réalité se tordaient autour de lui comme des serpents d’encre. Mais Ro’shy sentit ses membres manquants revenir à lui, ses nerfs se reconnecter, son corps s’aligner de nouveau. Quand il ouvrit les yeux, il était sur le plan des dieux — ce lieu étrange, aux textures brumeuses et au ciel sans astres.

Voln l’attendait.

Leur conversation fut grave. Neh’zul, le dieu de l’oubli et du déclin, préparait quelque chose d’ampleur. Voln, dont la voix était comme un grondement au creux de la conscience, lui rappela que si la planète sombrait, lui s’en sortirait — ses fidèles étaient ailleurs, dans d’autres plans. Mais toi, Ro’shy ? Toi, que deviendras-tu ? Le message était clair : il fallait agir, et vite.

Pendant ce temps, loin au sud, Grabu, Pashtarot et Spike avaient quitté le temple pour reprendre la route. Ils campèrent dans les ruines désertées de Versailles, aujourd’hui silencieuses, hantées seulement par les courants d’air entre les colonnes effondrées. Pas une âme, pas même une bête. Le silence y résonnait comme une menace.

Grabu s’entraîna sans relâche. Son souffle formait des nuages dans l’air froid du matin, ses poings rougis par la pierre qu’il frappait. Il alla jusqu’à s’effondrer d’épuisement, lèvres fendues, mains tremblantes, déshydraté. Il comprit alors que même la foi exigeait le soin de soi. Il ralentit.

Pashtarot méditait aussi, les yeux mi-clos, son visage éclairé par la lueur d’un feu mourant.

Spike, lui, épanchait sa soif de travail et affûtait les lames de ses coéquipiers.

Lorsqu’un beau matin, en regardant la carte des lieux, les trois hommes décidèrent de se rendre à Orly, un “aéroport”.

Le site s’étendait comme une fourmilière dévastée mais toujours vivante. Quatre étages de routes effondrées, de passerelles métalliques et de parkings suspendus, recouverts d’herbes folles et de poussière noire. Depuis les hauteurs, ils observèrent l’intérieur des bâtiments.

Dans chaque hall, un robot immobile, massif, drapé de runes colorées, semblait monter une garde silencieuse.

L’hésitation se fit sentir — mais la curiosité l’emporta. À l’arrière, une série de hangars, entourés de cages de fer hautes comme des remparts, recelaient une armée de machines. Certaines réparaient des canons, d’autres assemblaient des pièces. L’intention était claire : ces robots se préparaient à la guerre… contre Paris.

Préférant ne pas s’attarder, ils regagnèrent leur véhicule et prirent la route vers la capitale.

À l’entrée de Paris, les murs les attendaient. Froids, criblés d’impact, hérissés de barbelés. Les gardes, silhouettes noires et casquées, levèrent aussitôt leurs armes quand Spike descendit seul, les mains ouvertes. L’air était sec, chargé de cette odeur tenace de plastique brûlé et de sang ancien.

Il demanda à parler à Pakker.

Mais ce ne fut pas lui qui vint.

Trois figures en capuche sortirent de la ville, silencieuses, inidentifiables. Leur démarche n’était pas humaine. Spike leur parla d’un deal : il avait des informations précieuses sur les robots d’Orly, en échange d’une immunité pour lui et ses alliés.

L’une des figures tendit la main. Longue, fine, presque élastique. Pour sceller l’accord.

Mais Spike hésita.

Ses yeux glissèrent vers les siens — vides.

« Je vais en parler avec mes amis, » dit-il lentement, « et je reviendrai vous confirmer le deal. »

Puis il recula, sans tourner le dos. L’atmosphère, figée, pesait comme un couvercle de plomb.

Au soir, Spike prie son dieu Braggur, comme à son habitude, et ce dernier lui donne une nouvelle quête en sa gloire : parvenir à créer 5 pyramides de la taille d’une pomme, avec les 5 métaux les plus rares de son monde.